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Orange envisage de racheter Bouygues, Free récupérerait antennes et fréquences
Selon les informations de nos confrères des Echos, des discussions autour du rachat de Bouygues Télécom par Orange seraient "à l’étude." Si a priori Orange était exclu de toute négociation concernant les télécoms en France, à cause de sa taille et des problèmes concurrentiels que cela poserait, rien n’est désormais moins sûr.
Pour le PDG d’Orange, Stéphane Richard annonce que du côté du n°1 français des télécoms "on évalue nos options." Plusieurs éléments peuvent déjà jouer en la faveur d’une consolidation entre le N°1 et le N°3 Français.
Pas de blocage gouvernemental
Si Stéphane Richard annonce que "personne du côté de l’État" ne lui a demandé " d’étudier le rachat de Bouygues Télécom", le ministre de l’Economie et du Numérique, Arnaud Montebourg avait déjà très clairement donné sa position à ce sujet.
Depuis quelques mois, Arnaud Montebourg ne cesse de marteler qu’il souhaite un retour à trois opérateurs et qu’il parviendra à ses fins. Il a même "invité" Bouygues Télécom, il y a quelques jours, à fusionner avec un autre opérateur quitte à "imaginer des solutions avec d’autres que SFR." L’Etat, en tant qu’actionnaire principal détenant 27 % du capital d’Orange, pourrait ainsi se prononcer en faveur d’un rapprochement avec Bouygues, et ne pas bloquer le retour de quatre à trois opérateurs.
Une préservation des emplois
Si la piste Free paraissait la plus probable pour des questions concurrentielles, la piste Orange pourrait, sur de nombreux points faire de nombreux heureux. Certains craignent en effet qu’une fusion Free-Bouygues Télécom ne soit pas la solution idéale pour l’emploi.
Mais, selon les syndicats de Bouygues Télécom, le mal est déjà fait, l’opérateur envisagerait déjà de se séparer de près d’un quart de ses effectifs. Si le groupe confirmait sa volonté de se séparer avant même de fusionner, de 2000 de ses salariés, un mariage avec Orange pourrait éviter un nouveau drame social pour un pays déjà triste sur le dossier de l’emploi.
En effet, selon les syndicats d’Orange, notamment Sebastien Crozier de la CFE-CGC d’Orange, une fusion Bouygues Télécom-Orange pourrait préserver ces emplois menacés : "en gardant ces emplois, on ne ferait que retarder de 4 mois le plan de départ d’Orange et nous serions très contents de voir arriver ces salariés qui rajeuniraient notre pyramide des âges."
Depuis quelques temps, la tension monte entre la direction d’Orange et ses syndicat. Ces derniers estiment que le plan de non-remplacement des départs en retraite met les salariés et les services proposés par l’opérateur dans une situation critique. Le remède de l’un deviendrait, par la même occasion, le remède de l’autre.
Une accélération des déploiements FTTH par une mutualisation des compétences
Une lettre ouverte du syndicat à Manuel Valls annonce également qu’outre l’emploi, une fusion Bouygues Télécom-Orange serait bénéfique à l’autre chantier prioritaire du gouvernement : le déploiement de la fibre optique en France. Selon lui Orange pourrait ainsi "avoir l’appui d’un groupe de BTP pour déployer son réseau fibre." Une situation qui pourrait également soulager l’Etat, accentuant l’effort d’Orange dans le déploiement du FTTH en utilisant les compétences du groupe Bouygues. Bouygues Télécom n’était jusqu’à présent, pas très actif sur ce dossier.
Une transaction qui arrange les actionnaires des deux groupes
Si entre Bouygues et Free, aucun accord n’a été trouvé sur la valorisation de Bouygues, Free proposant 5 milliards, Bouygues en réclament 8 milliards d’euros, tous deux refusant également de devenir l’actionnaire minoritaire de l’autre, la transaction entre Orange et Bouygues parait plus réaliste. Déjà Martin Bouygues et Stéphane Richard ne de déteste pas, ce qui n’est pas le cas entre Xavier Niel et Martin Bouygues. Le climat des négociations serait donc, d’entrée de jeu, moins tendue.
Ensuite, ces négociations permettraient à l’un des actionnaires principaux de Bouygues, JCDecaux, également actionnaire d’Orange, de se faire payer en actions et de monter au capital d’Orange. En ajoutant une partie cash, ce dernier pourrait même devenir le deuxième actionnaire d’Orange derrière l’Etat et sortir gagnant de cette fusion. Bouygues pourrait également conserver une participation et devenir "actionnaire de référence de l’opérateur historique", permettant au groupe Bouygues de garder un pied dans les télécoms.
Les barrières concurrentielles : le retour d’un Super-Free ?
Reste le volet concurrentiel, un tel ensemble se retrouverait avec environ 45 % du marché fixe et la moitié du marché mobile. En découlerait donc un mastodonte qui, déjà largement leader, ne ferait que renforcer sa position de leader du marché.
Du côté de l’Etat, Arnaud Montebourg pourrait peser pour laisser passer cette fusion. Il pourrait en retour faire pression sur le groupe Bouygues, pour que sur une autre dossier, le groupe penche en faveur d’ un deal Alstom-Siemens plutôt que Alstom-GE.
Le seul point noir pourrait venir de l’Autorité de la Concurrence Européenne qui pourrait catégoriquement s’opposer à une telle fusion. Mais à l’heure du marché unique européen, ils sont nombreux à préconiser une consolidation entre les 150 "trop nombreux" opérateurs en Europe. En échange d’une fusion Orange-Bouygues Télécom, l’autorité européenne demanderait néanmoins de nombreuses concessions au nouvel ensemble.
Ces contreparties permettrait à Free de sortir également gagnant de cette transaction. Lors des négociations pour le rachat de SFR par Bouygues, Bouygues et Free étaient parvenus à un accord en vue du rachat du réseau et la cession d’une partie des fréquences de Bouygues Télécom à Free. Cet accord pourrait donc revenir sur le tapis, avec des négociations déjà abouties et donc plus faciles à remettre au goût du jour.
Par contre, certains estiment que Bouygues Télécom pourrait également être obligé de céder au moins 2 millions de clients fixe et sans doute des clients mobiles pour que ce dossier passe la barrière anticoncurrentielle.
Si ces négociations aboutissaient le Super-Free annoncé en mars dernier par Maxime Lombardini, délégué général d’Iliad ne serait pas complètement enterré. Le secteur des télécoms se retrouverait de nouveau à 3 opérateurs, un mastodonte Orange-Bouygues, une association câble-mobile Numericable-SFR, et un "super-trublion Free" disposant d’un réseau mobile complet.
Une autre option reste néanmoins envisageable, Orange fait depuis quelque temps un appel du pied avec Bouygues en vue d’un partage des infrastructures et d’une mutualisation des fréquences et d’une location du réseau fibré d’Orange. Cet autre scénario serait la porte de sortie de Bouygues de l’accord de mutualisation avec SFR-Numericable et éviterait à Orange de devoir s’allier avec Free. Une partie des antennes devrait néanmoins être revendue au quatrième opérateur.