L’Arcep met en demeure le tout premier réseau fibre de Free, tellement atypique qu’il pose problème

L’Arcep met en demeure le tout premier réseau fibre de Free, tellement atypique qu’il pose problème

Après plusieurs années de difficultés de raccordement sur un pan spécifique du réseau fibre de Free, l’Arcep met à nouveau la pression sur “Réseau Optique de France”, filiale infrastructure du groupe Iliad. Malgré un dispositif de “fiabilisation” mis en place depuis 2023, l’autorité estime que l’accès à ce réseau mutualisé n’est toujours pas “effectif” et impose une profonde transformation d’ici fin 2026.

Réseau Optique de France (ROF), ex-Free Infrastructure (depuis 2023), est la filiale du groupe Iliad qui exploite un réseau fibre FttH historique datant de 2008 reposant sur des Points de mutualisation grande capacité (PMGC), installés directement dans les NRO de Free. Ce réseau couvre environ 239 000 locaux en France, dont une majorité en zone très dense, notamment à Paris. Il s’agit d’un réseau mutualisé et oui c’est possible même dans les grandes villes : sur celui-ci, les lignes doivent être accessibles aux autres opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Telecom, etc.), et pas seulement à Free.

Problème : les techniciens des autres FAI n’ont pas accès aux locaux PMGC, situés, c’est atypique, directement dans les NRO de Free. Comme le rappelle l’Arcep, « les techniciens des opérateurs tiers ne peuvent pas accéder au local PMGC » et « seul un technicien de Réseau Optique de France peut intervenir » pour réaliser le brassage. Résultat : échecs de raccordement en série, délais allongés, plusieurs rendez-vous nécessaires pour un même client.

Dans sa décision du 12 novembre 2025, l’Arcep prononce ainsi une nouvelle mise en demeure, très explicite : ROF est sommée de « mettre à disposition dans des conditions raisonnables et non discriminatoires les ressources nécessaires associées à la mise en œuvre effective de l’accès » sur l’ensemble de l’infrastructure PMGC. Avant le 31 décembre 2026, la filiale d’Iliad doit en somme achever “l’installation de l’ensemble des points de mutualisation  nécessaires pour couvrir l’ensemble des locaux qui dépendent des 93 PMGC qu’elle exploite – afin que […] les techniciens des opérateurs commerciaux puissent y intervenir en autonomie”. Le gendarme des télécoms prévient par ailleurs qu’une qualité de service se traduisant par « des taux d’échec d’accès […] excessifs » ne pourra pas être considérée comme conforme, même si les travaux sont terminés sur le papier.

Face à une première mise en demeure de l’Arcep portant sur la complétude de ses réseaux hors zones très denses, ROF avait pourtant tenté de corriger le tir sur ce réseau. Début 2023, la filiale a mis en place un “dispositif de fiabilisation” des lignes, présenté comme une réponse aux problèmes de continuité optique ce dernier est « systématique pour toutes les commandes reçues sur l’infrastructure PMGC »,  il « prévoit des actions complémentaires de ROF au travers d’une double intervention des techniciens sur le terrain à la fois pour les lignes à construire et pour les lignes existantes », apprend-on.

Concrètement, ROF explique qu’elle « intervient au NRO (PMGC) pour vérifier, en plus de la réalisation du brassage, l’effectivité d’un signal » sur la baie de l’opérateur commercial, puis « sécurise la route optique entre le NRO (PMGC) et l’Epibox » dans l’immeuble. Lors de ces opérations, « les techniciens de ROF prennent des photos des opérations au NRO et au niveau de l’immeuble » et, depuis 2025, « ROF diffuse à tous les opérateurs commerciaux, y compris Free, un constat d’intervention » détaillant ces contrôles.  En cas d’échec de raccordement, l’ex-Free Infrastructure demande désormais aux opérateurs « de mettre à disposition certaines photos prises par leur technicien sur le terrain », afin de les comparer à ses propres constats.

Pourquoi l’Arcep juge ces mesures insuffisantes

Malgré ces efforts, l’Arcep estime que l’accès n’est toujours pas “effectif”. Elle le dit noir sur blanc : « Cette solution n’apparait donc pas suffisante pour permettre à Réseau Optique de France de se conformer à son obligation de garantir un accès effectif. » . Mais pourquoi ? Le cœur du problème semble en effet demeurer avec une impossibilité récurrente pour les techniciens des autres opérateurs d’intervenir eux-mêmes au point de mutualisation, puisque ce dernier reste dans le NRO de Free, c’est à dire dans son local technique. Autre raison,  les taux d’échecs au raccordement restent très élevés, notamment pour cause « d’absence de continuité optique » ou « d’affaiblissement du signal trop important », deux motifs officiellement recensés par l’Arcep. Pour l’autorité, le dispositif de fiabilisation ne fait que compenser partiellement une architecture mal conçue, et ne permet pas de se mettre en conformité durablement.

Un plan de modernisation massif, mais en retard

Sous la pression du régulateur, ROF a déjà lancé un “projet de modernisation du parc PMGC”. Objectif alors affiché : « reprendre l’infrastructure existante, résoudre les problèmes identifiés et simplifier les modalités de raccordement des opérateurs commerciaux dans l’immeuble ». Pour cela, l’opérateur a prévu de « s’affranchir de l’architecture en “PM Grande Capacité” » dans les NRO et de passer à « une architecture FttH plus commune comprenant des points de mutualisation distincts des NRO de Free et opérables par les opérateurs commerciaux ». 

Concrètement, ROF s’était engagé à transformer 81 PMGC en 5 356 points de mutualisation d’immeuble ou extérieurs en zone très dense et 12 PMGC en 134 points de mutualisation de rue en zone moins dense. Mais l’Arcep constate un retard important : au 31 mai 2025, seuls 630 points de mutualisation avaient été finalisés, soit « un retard de production de l’ordre de 70 % » par rapport au planning cible.

Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox