Le projet de loi “Création et Internet” débattu au Sénat

Le projet de loi “Création et Internet” débattu au Sénat


Mais qu’est ce que la riposte graduée ?

Et bien, c’est très simple, et en même temps très compliquée (à mettre en place). Concrètement, en cas de piratage d’oeuvres dîtes “protégées”, un internaute recevra un premier avertissement par email. Ensuite, si l’internaute récidive, il recevra une lettre recommandée directement à son domicile. S’il persiste encore, et que la dissuasion n’a pas suffit, alors il sera coupé du réseau par le fournisseur d’accès sur demande de la haute autorité (Hadopi). La haute autorité, composée de Magistrats et de fonctionnaires, recevra des tonnes d’IP récoltées par d’autres organisations privées ou d’autre autorités “indépendantes” (financées par les majors par exemple…).

La Haute Autorité établira notamment un répertoire national des personnes qui font l’objet d’une suspension en cours de leur accès à internet. Les FAI qui offriront un accès, sans vérification préalable, à un internaute “fiché”, pourrait se voir infliger “une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 5 000 € par manquement constaté”.

La coupure de l’accès à internet est une “arme de dissuasion massive”

La phrase résonne dans l’hémicycle du Sénat. La coupure de l’accès à internet est une “arme de dissuasion massive” […] et nous y sommes donc très favorable” , selon le sénateur de l’Union Centriste.

Mme Christine Albanel, membre du Gouvernement Fillon, Ministre de la Culture et de la Communication de Mr Nicolas Sarkozy, fidèle à elle même, a défendu corps et âme son projet de loi : “J’ai constaté en vous écoutant des divergences mais aussi des convergences. Nous sommes tous attachés au droit d’auteur, fidèles à une grande tradition française, qui reconnaît les actes de création et les créateurs. C’est, au-delà des clivages, une unité réconfortante !”. Il faut qu’Hadopi soit “dissuasive […] L’idée de responsabilité est forte. Cela peut toucher des parents, à cause des enfants qui téléchargent”.

Quant aux sénateurs socialistes, ils souhaitent également “soutenir ce texte” . Ils estiment que la révolution des techniques et des comportements ne peut être “le prétexte à la remise en cause du droit d’auteur, sans issue alternative. Dans le débat sur les libertés et les droits fondamentaux, la seule liberté qui soit véritablement menacée ici, c’est celle des créateurs de disposer de leur oeuvre et d’en tirer une juste rémunération”.

Pour mais sous réserve que…

Certains rapporteurs se déclarent pour l’instauration du projet de loi “Création et Internet”. Ils le déclarent même “indispensable”, sous réserve que des amendements pour protéger les internautes soient ajoutés. Le rapporteur de la commission Culturelle déclarait notamment “qu’en ayant travaillé sur le projet de loi du gouvernement, en l’enrichissant de nos débats et de nos amendements, je suis alors convaincu que nous réussirons”. Il souhaite une solution alternative à la suspension de l’abonnement, comme “laisser un service de messagerie, le service de télévision et la téléphonie”, mais aussi que le mot “filtrage” disparaisse du texte de loi.

Une critique majeure au projet de loi est qu’il fait l’impasse sur le développement de l’offre légale (VOD par exemple). Il y a en la matière une grande lenteur, une mauvaise volonté de certains déclare un sénateur socialiste. En ajoutant qu’il conviendrait “de faire comprendre aux parties concernées qu’il est urgent d’agir, au nom de la démocratisation de l’accès à la culture. La loi Dadvsi prévoyait un rapport sur ces questions : nous l’attendons toujours.”

D’autres beaucoup plus catégoriques souhaitent tout simplement que “le viol des droits d’auteurs” cesse immédiatement. Ils ne jugent pas “inadmissible” de suspendre l’accès à internet.

Une amende à la place de la suspension de l’abonnement ?

Concernant la mise en place d’amendes à la place de la suspension de l’abonnement, Mme Albanel estime “que cela créerait des inégalités et serait mal ressenti parce que l’on reviendrait aux peines naguère prévues, la prison […] Il y aurait des inégalités selon les revenus. Quant à l’idée qu’on ne peut pas découpler, je reviens aux accords de l’Élysée : cela y figurait et nous avons repris contact avec les professionnels, qui nous ont confirmé que les cas où un découplage se révélait impossible étaient extrêmement rares. La Haute autorité pourra alors prononcer d’autres injonctions, par exemple celle d’un logiciel empêchant le piratage. Je reste donc réservée sur la proposition des amendes même si elle enrichit le débat.

Amendement 138 : Vous avez demandé l’Europe, ne quittez pas…

Ce projet de loi expose la France à des sanctions. Il est contraire aux dispositions européennes qui confèrent, depuis septembre 2008, un caractère de droit fondamental, à l’accès à internet. Force est de constater que ce projet de loi est voué à l’échec, tout comme l’a été la loi DADVSI.

Selon Mme Albanel, l’amendement 138 n’a pas “de portée juridique. Il ne fait nullement obstacle à ce que chaque État se dote des meilleurs moyens de lutte contre les téléchargements abusifs mais il a un effet de brouillage. Elle suggère notamment “l’importance de le retirer” (Bien sur…).

Un pour tous, tous contre Hadopi !

Le parlement européen, la pétition de SVM (36 600 signataires), Iliad-Free, puis très récemment Orange, , les menaces de PirateBay, les associations de consommateurs, et bien d’autres… Tous unis contre le projet de loi “Création et Internet” !

Ce texte de loi à deux vitesses manque de justesse : Un peu comme avoir un pistolet sur la tempe, sans savoir quand le coup va partir ! On ne peut négliger la propriété intellectuelle ou marchander la liberté individuelle. Malheureusement, il semble que les “détectives privés du numérique” ont de beaux jours devant eux.

“Création et internet” ou comment aller droit dans le mur…

NB : Prochain débat au Sénat aujourd’hui, jeudi 30 octobre 2008, à 10 heures.

Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox