Télévision connectée : quand Google grignote le terrain des opérateurs télécoms

Télévision connectée : quand Google grignote le terrain des opérateurs télécoms

Longtemps maîtres de l’accès à la télévision grâce à leurs box, les opérateurs télécoms voient leur position vaciller face à la montée en puissance de Google dans les téléviseurs connectés. Avec Google TV, YouTube et ses outils publicitaires, le géant américain capte l’attention des utilisateurs… et les revenus qui vont avec. Une offensive qui inquiète les “telcos”, craignant d’être relégués au second plan.

Historiquement, ce sont eux qui contrôlaient l’accès à la télévision numérique en France. Depuis les années 2000, les opérateurs télécoms ont imposé leurs box comme le principal point d’entrée vers le petit écran. Mais face à la stratégie conquérante de Google dans les téléviseurs connectés, les “telcos” voient leur modèle menacé sur plusieurs fronts.

Le constat est clair : les jeunes générations délaissent les services télé fournis par les opérateurs pour accéder directement aux contenus via les applications Internet (Netflix, YouTube, myCanal, Disney+, etc.). Résultat : la promesse des offres « triple play » (internet + téléphone + TV), longtemps fer de lance des opérateurs, s’effrite. Et avec elle, la rentabilité d’un modèle où la TV représentait une vitrine pour vendre des abonnements haut de gamme.

Google, avec son système d’exploitation Google TV (ex-Android TV), s’impose comme l’interface par défaut dans de nombreux téléviseurs. Cette percée réduit la visibilité des services télé des opérateurs, qui peinent à maintenir leur place sur un écran désormais façonné par les choix technologiques et commerciaux de Mountain View.

Face à la montée en puissance de Google, les opérateurs se divisent. Certains, comme Bouygues Telecom et SFR, ont choisi d’intégrer Google TV directement dans leurs décodeurs, c’est aussi le cas pour le dernier décodeur en date de Free, mais l’opérateur en prépare un autre depuis longtemps, sans que l’on sache encore s’il choisira un OS propriétaire ou la solution d’Android TV. Une alliance pragmatique pour rester visibles dans un univers connecté dominé par les services américains. Orange, de son côté, n’a pas encore lancé en France de player Android TV, mais affirmait que cela ne l’effrayait pas.

De nombreuses inquiétudes à gérer…

Au-delà de la concurrence commerciale, les opérateurs dénoncent une concurrence réglementairement inégale. Là où eux sont tenus de respecter des obligations strictes — numérotation des chaînes, mise en avant des services publics, protection de la jeunesse, taxes (TOCE, TST-D)… — Google, lui, échappe à ces contraintes tout en captant de plus en plus l’attention des téléspectateurs. En 2023, ces taxes ont coûté 400 millions d’euros aux opérateurs télécoms français. De quoi accentuer leur frustration, alors que Google n’est soumis à aucune contribution équivalente, tout en raflant une part croissante du marché publicitaire télé.

Autre point de crispation : la monétisation des données utilisateurs. Alors que les opérateurs commençaient à tirer profit de la TV segmentée (publicité ciblée selon les foyers), Google joue désormais sur le même terrain… mais avec une longueur d’avance. Grâce à Google TV, à l’association des comptes utilisateurs, et à sa maîtrise des outils publicitaires (YouTube Ads, DV360), le géant américain s’empare de la relation client, là où les opérateurs n’étaient qu’un canal de diffusion.

Inquiets, les opérateurs ont récemment fait entendre leur voix. Dans une consultation menée par le ministère de la Culture sur l’avenir de la télévision post-2030, la Fédération française des télécoms a alerté sur l’érosion du modèle actuel basé sur la coopération entre chaînes et telcos. Son directeur général, Romain Bonenfant, pose la question frontalement : « La durabilité du modèle historique basé sur l’alliance entre audiovisuel et télécoms est posée. » Et de réclamer des “règles du jeu équitables” face à des géants numériques qui s’imposent à tous les niveaux — plateformes, interfaces, données, publicité — sans être soumis aux mêmes obligations.

Source : Le Figaro

Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox