Le contenu de la plainte de Bouygues à Free pour dénigrement

Le contenu de la plainte de Bouygues à Free pour dénigrement

Le 6 décembre dernier, Bouygues Télécom annonçait avoir porté plainte contre Free pour dénigrement et concurrence déloyale. Cette plainte sera examinée le 25 janvier prochain au Tribunal de Commerce de Paris.
 
Challenges s’est procuré la plainte détaillée, dans laquelle l’opérateur liste toutes les attaques verbales menée par les dirigeants de free à l’encontre de Bouygues Télécom. Ce dernier prétend notamment que la violence verbale du PDG d’Iliad a encouragé les clients des opérateurs historiques à insulter les employés des centrales d’appels ainsi qu’à déposer des Posts injurieux sur les murs Facebook de Bouygues Télécom.
 
L’opérateur demande ainsi 64,6 Millions d’euros pour concurrence déloyale suite à la migration massive de ses clients, le montant réclamé s’élève à 98,8 millions d’euros en ajoutant le préjudice réclamé pour dénigrement. Bouygues Télécom demande également au Tribunal d’ordonner à Free d’utiliser le champ lexical du "Pigeon" ou de "la vache à lait". "Arnaque", "Racket" et "Escroquerie" seront aussi des termes qui devront être proscrits par Free. Enfin Bouygues Télécom exige la publication du jugement dans les journaux et leurs site internet du dispositif de condamnation… si Free était condamné…
Ce dessous le contenu de la plainte  :

II.2.1. L’ATTEINTE PORTEE A L’IMAGE DE BOUYGUES TELECOM
  • 59. La marque Bouygues Telecom et l’image qui en découle ont toujours été différenciées, notamment en raison de son arrivée plus tardive sur le marché des télécommunications ainsi que de son positionnement de jeune opérateur dynamique, novateur et de challenger.
La stratégie de dénigrement de FREE a permis à cette dernière de s’emparer, de manière parfaitement déloyale, du positionnement historique de Bouygues Telecom.
  • 60. L’image de Bouygues Telecom en tant qu’opérateur "amical, honnête, digne de confiance et maître de situation" telle qu’elle ressort d’enquête réalisées par des instituts de sondage a été profondément et durablement écornée, par les agissements de FREE.

Cette atteinte peut être mesurée grâce aux résultats des sondages d’opinions relatifs au "tracking de marque" (pièce n°59).

Ainsi, les résultats du tracking de marque réalisés en janvier 2012 ont révélé qu’au cours de la période comprise entre le mois de décembre 2011 et janvier 2012 :

la perception de Bouygues Telecom en tant qu’opérateur "qui en fait plus pour ses clients" s’est dégradée : l’indicateur clé de performance passe de 12 à 8 ;

le niveau de considération perçue par les clients de la part de Bouygues Telecom est en forte baisse : l’indicateur clé passe de 17 à 9 ;

pour les clients mobiles, l’indice de confiance de Bouygues Telecom est fortement altéré : l’indicateur clé de performance passe de 29 à 21 .

  • 61. Au-delà de l’observation de ces tendances, les faits de dénigrement évoqués précédemment ont provoqué une hostilité considérable de la part des consommateurs vis-à-vis de Bouygues Telecom.

Cette hostilité est aujourd’hui encore très perceptible, en dépit des investissements réalisés par Bouygues Telecom, car les propos dénigrants ont marqué l’opinion publique et sont encore, à ce jour, accessibles et repris sur internet.

  • 62. Le préjudice de Bouygues Telecom est d’autant plus important que les propos véhiculés par le Groupe ILIAD ont provoqué de violentes réactions chez certains consommateurs.
De nombreuses incivilités ont ainsi été rapportées depuis le lancement de FREE.

Monsieur Xavier NIEL lui-même a encouragé l’insurrection des consommateurs et les a invités à se manifester auprès de leur opérateur. Lors de sa conférence de presse du 10 janvier 2012, il a ainsi proclamé :

"On [ne] vient pas là pour gagner de l’argent, on vient la pour foutre le bordel. Si on fout le bordel et qu’ils le reconnaissent tout de suite, quelle bonne nouvelle.".

Ces réactions hostiles se sont matérialisées par :

le développement de sites, de blogs et de vidéos dénigrant les opérateurs concurrents de FREE ;

Les propos de Xavier Niel ont entraîné une réaction violente des consommateurs relayée par des sites prétendument indépendants de FREE.

Il n’est pas possible d’en dresser la liste exhaustive et Bouygues Telecom n’en relèvera que quelques uns à titre d’exemples pour éclairer le Tribunal.

-  http://jemecassechezfree.com/ : « ZE SITE OFFICIEL DES ANCIENS PIGEONS DES OPERATEURS MOBILES ! », qui invite les consommateurs à indiquer à quel opérateur il va « faire moins gagner de pognon ? » au profit de Free Mobile.

-  http://www.pigeonlibre.com/ : un site de jeu proposant de « libérer son pigeon » en collectant les logos de Free, et en « évitant les logos des autres opérateurs mobiles au risque de perdre une vie ».

-  http://www.simetiere.fr/index.html : Ce site invite les nouveaux clients Free Mobile, à déposer une photo de leur ancienne carte SIM, ainsi que le prix de leur ancien abonnement mensuel .

 Des réactions violentes sur les réseaux sociaux et sur les forums des sites Internet de chacun des opérateurs et notamment de Bouygues Telecom (pièce n°19) :

  • "Je veux bien être respectueux…. Mais est ce que depuis 15 ans que j’ai un téléphone portable on est respectueux de me prendre pour un pigeon ? " ;
  • "Tiens j’ai cliqué dans la colonne de gauche sur ’signaler la page’, cause : j’ai coché ’Arnaque’ " ;
  • "L’arnaque c’est l’argent que ce dont ces pourris depuis le début même avec un forfait avec deux € il tire une marge le Xavier" ;
  • "C’est toi l’abruti si tu veux rester chez un fournisseur qui t’a arnaqué depuis le début c’est ton choix pigeon" ;
  • "On vous a laissé assez de temps pour nous pomper jusqu’ à la moelle, il ne suffit pas de réagir quand d’autre prennent l’initiative de pas nous prendre pour des pigeons".

Des incivilités en points de vente (dans les boutiques Réseau Club Bouygues Telecom) et l’égard des conseillers de clientèle

Les propos tenus par FREE ont conduit de nombreux clients à se révolter contre Bouygues Telecom notamment et à se rendre dans ses points de ventes pour prendre à partie son personnel.

Les termes "pigeon", "escrocs", "voleurs", utilisés par Xavier NIEL sont régulièrement repris par les clients hostiles, outre de nombreuses autres insultes. Les exemples suivants sont révélateurs de l’état de nervosité des clients à l’égard de Bouygues Telecom causés par les propos dénigrants et injurieux véhiculés par les sociétés du Groupe ILIAD et ses représentants :

  • " Nous ne sommes pas des pigeons, vous êtes des voleurs"  
  • " Je viens car y’en a marre que vous me preniez pour un pigeon alors maintenant vous allez vous aligner tout de suite sinon je vous casse tout dans le magasin." ;
  • " C’est vraiment de la merde le service chez Bouygues Telecom, on se fait vraiment pigeonner." ;
  • " Vous êtes des voleurs et depuis des années" ;
  • " On est des pigeons »
  • " Ça fait des années que vous vous gavez" ;
  • " Free avait raison, vous ne faites que de nous arnaquer " ;
  • " Monsieur Niel nous a demandé de vous le dire, et bien nous vous le disons, vous nous avez pris pour des pigeons. " ;
  • "Je regrette d’avoir engraissé la maison Bouygues pendant toutes ces années. " etc. (pièce n°60).

Ces comportements particulièrement agressifs et anxiogènes sont très préoccupants.

Deux instances de délégation du personnel de Bouygues Telecom (CFTC et FO) ont d’ailleurs réagi et respectivement déclaré :

  • – "De nombreux collaborateurs sont choqués et particulièrement affectés par les propos insultants de Xavier NIEL. Ces propos entraînent un climat de crainte car certains collaborateurs, usés, pensent ne pas pouvoir être à même de gérer longtemps cette situation difficile. La Direction peut-elle préciser les mesures d’accompagnement prévues en cas d’agression physique ou verbale par un client ?" ;
  • – "Suite à l’arrivée de Free, et aux propos tenus par Xavier NIEL, de nombreux collaborateurs sont victimes d’agressions verbales et d’insultes de la part de certains clients ("vous vous suicidez quand ??", "vous êtes quand au chômage ?"), comme nous l’avons indiqué dans notre tract. Ces agressions sont sans commune mesure avec ce que nous avons pu connaître par le passé. Que compte faire la Direction ?" (pièce n°61).

Les préoccupations des syndicats ont été abordées lors des consultations du Comité d’entreprise de Bouygues Telecom.
  • 63. Pour faire face à cette vague d’incompréhension et de mécontentement de ses clients, consécutifs à campagne dénigrante de Free, Bouygues Telecom a dû mettre en place en 2012 des moyens humains supplémentaires par rapport à l’année 2011 (plus de 300 personnes supplémentaires par rapport à octobre 2011 ont ainsi été déployées, représentant un coût de 4 000 000 €).

A ces moyens humains, s’ajoutent les moyens financiers correspondant aux gestes commerciaux que Bouygues Telecom a dû consentir à sa clientèle. Ces gestes commerciaux ont augmenté de 30% entre le 1er semestre 2011 et le 1er semestre 2012, soit un coût supplémentaire pour Bouygues Telecom de 5 000 000 €.

  • 64. Pour palier dans un délai rapide les effets négatifs et la dégradation de son image consécutive à cette campagne de communication fautive, Bouygues Telecom devra effectuer des investissements en communication considérables.
Pour valoriser le préjudice subi et y remédier, la méthode retenue consiste à appliquer au montant de la campagne de dénigrement mis en œuvre par FREE – évalué à un montant minimum de 12,2 Millions d’€ – le coefficient multiplicateur de 4 régulièrement retenu par la jurisprudence (v. Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 3 septembre 2010, Affaire Vuitton c. Ebay ).

Le montant de 12,2 Millions d’euros retenu constitue le seuil plancher des investissements que devra consentir Bouygues Telecom pour rétablir son image de marque dégradée.

Le coefficient multiplicateur usuel retenu tient compte notamment :

  • – de l’importance des marques et de l’image dans le milieu des télécommunications ;
  • – du fait que la construction d’une image de marque est un processus extrêmement lent et couteux qui peut être rapidement dépréciée ;
  • – du fait que le marketing de FREE soit en très grande partie viral ce qui amplifie significativement sa portée et la circulation des messages à grande échelle (pièce n°58).

Bouygues Telecom devra répondre au marketing de FREE, par le biais des moyens de communication qu’elles utilisent habituellement, qui sont significativement plus onéreux que le marketing viral sur Internet, en veillant à ce que ses campagnes couvrent un champ particulièrement large et soient régulièrement diffusées.

Il résulte de ce qui précède que la campagne de dénigrement du Groupe ILIAD FREE nécessitera pour Bouygues Telecom une campagne de riposte d’un montant de 48,8 Millions d’euros brut, soit 34,2 Millions d’euros net.

  • 65. La réalité du préjudice de Bouygues Telecom est indiscutable, étant précisé en tout état de cause, qu’en cas de déloyauté caractérisée – notamment en cas de dénigrement – le préjudice commercial est présumé. Ainsi, la Cour de cassation juge que le préjudice "s’infère nécessairement de l’acte déloyal" (Cass. Com, 22 fév. 2000, Sté Guérin ).
Le lien de causalité entre le dénigrement fautif de FREE et le préjudice de Bouygues Telecom est également établi et ne saurait être discuté .

Ce préjudice ne saurait être inférieur à 98.800.000 € .

  • 66. Alors que Bouygues Telecom est particulièrement affectée par l’acharnement de FREE et tente, dans la mesure du possible, de trouver des solutions économiques et commerciales pour maintenir un niveau d’activité satisfaisant, FREE se targue d’une progression significative et de résultats spectaculaires.
Ainsi, Xavier NIEL, au comble de la provocation a présenté FREE Mobile, le 1er septembre 2012, lors de la présentation des résultats d’ILIAD, comme la "plus belle performance de tous les temps", revendiquant une part de marché de 6% tout en précisant que l’activité mobile est en perte (pièce n°62).

Ces résultats ne sont ni le fruit exclusif d’avancées techniques, ni celui d’une politique tarifaire exceptionnelle (puisqu’il existe sur le marché d’autres offres compétitives équivalentes) mais bien le fait d’une campagne destructrice de dénigrement systématique et répétitif conçue avant le lancement de l’offre mobile de FREE et constamment entretenue depuis pratiquement un an."

 
Source : Challenges

 

Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox