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Albanel n’avait pas à imposer la fin de la publicité sur France TV selon le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a annulé la lettre de la ministre de la culture et de la communication du 15 décembre 2008 demandant au président-directeur général de France Télévisions d’arrêter la commercialisation d’espaces publicitaires sur les chaînes du groupe entre 20h00 et 6h00, ainsi que la délibération du conseil d’administration prenant acte de cette lettre. Il a estimé qu’une telle mesure, portant atteinte aux ressources du groupe, qui sont un élément de son indépendance, ne pouvait relever que de la compétence du législateur.
Le 15 décembre 2008, la ministre de la culture et de la communication a adressé au président-directeur général du groupe France Télévisions une lettre lui demandant « d’envisager de cesser, à partir du 5 janvier 2009, la commercialisation des espaces publicitaires entre 20h00 et 6h00 » sur les chaînes de son groupe, dans l’esprit de la réforme législative alors en cours. Il fallait ainsi ne pas faire mentir Nicolas Sarkozy qui avait annoncé la fin de la publicité à partir du 1er janvier. Le conseil d’administration de l’entreprise a adopté une délibération en ce sens le 16 décembre 2008. C’est l’annulation de ces deux actes – de la ministre et du conseil d’administration – qui a été demandée au Conseil d’Etat, alors que le dispositif contesté était déjà en application.
Le Conseil d’Etat a tout d’abord admis que la lettre de la ministre demandant la mise en œuvre de mesures précises dès avant l’entrée en vigueur de la loi qui a prévu par la suite ces mesures, n’était pas une simple lettre mais comportait une instruction. Il s’agissait donc bien d’une décision faisant grief, susceptible d’être attaquée devant le juge.
Il a ensuite estimé que la suppression de la publicité pendant une part substantielle du temps d’antenne était une mesure qui avait pour effet de priver France Télévisions d’une part significative de ses recettes et d’affecter la garantie de ses ressources, lesquelles constituent un élément de son indépendance. Or les règles concernant l’indépendance des médias relèvent, aux termes de l’article 34 de la Constitution, du pouvoir législatif. Une telle mesure ne pouvait donc être prise que par le législateur, comme l’a d’ailleurs jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Le Conseil d’Etat a donc annulé la lettre de la ministre, une telle décision ne pouvant relever du pouvoir réglementaire. La délibération du conseil d’administration de France Télévisions du 16 décembre 2008, qui s’est bornée à prendre acte de l’instruction ministérielle illégale, a été annulée par voie de conséquence.
L’annulation de ces deux actes ne concerne que la période comprise entre le 5 janvier – date de mise en œuvre de la mesure – et le 8 mars 2009, date à laquelle la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, décidant de la suppression de la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions entre 20h00 et 6h00, est entrée en vigueur. Cette annulation ne saurait, bien entendu, remettre en cause la mesure décidée par le législateur.
"Qu’un PDG d’une entreprise publique se soit plié à une injonction du ministère en prenant une décision pas encore débattue par les sénateurs, c’est digne d’une République bananière", a déclaré à l’AFP Jean-François Téaldi, au nom des journalistes CGT.