Avec le développement de l’eSIM, les opérateurs craignent pour l’équilibre du secteur et d’être relégués au second plan

Avec le développement de l’eSIM, les opérateurs craignent pour l’équilibre du secteur et d’être relégués au second plan

En supprimant la carte à puce physique, la carte SIM virtuelle simplifie la vie des utilisateurs… mais menace l’équilibre du secteur.

À première vue, l’eSIM peut sembler n’être qu’un simple gadget. Pourtant, cette innovation est en train de bouleverser l’univers de la téléphonie mobile. Contrairement à la carte SIM traditionnelle qu’il faut insérer dans son smartphone, l’eSIM est directement intégrée à l’appareil. Plus besoin de se rendre en boutique ni d’attendre une puce par courrier : un simple QR code suffit à activer son forfait.

Cette dématérialisation apporte aussi une flexibilité inédite. Les utilisateurs peuvent activer plusieurs forfaits en parallèle sur un même appareil et basculer de l’un à l’autre en quelques secondes. Une avancée séduisante pour les consommateurs, mais qui fragilise le modèle économique des opérateurs. Arrivée sur le marché il y a environ six ans, l’eSIM peinait jusque-là à s’imposer. En 2023, elle ne représentait que 10 % des connexions mobiles dans le monde, selon Roland Berger. Mais la tendance s’accélère : le cabinet estime que 75 % des smartphones utiliseront ce format d’ici 2030. Les fabricants jouent un rôle clé dans cette transition. Apple a déjà annoncé que son prochain iPhone Air serait vendu dans le monde entier sans port SIM physique. Google suit le même chemin avec son Pixel 10, pour l’instant limité aux États-Unis. Le cabinet CCS Insight anticipe un triplement du nombre d’appareils compatibles d’ici la fin de la décennie, passant de 1,3 milliard en 2025 à plus de 3 milliards.

Plusieurs conséquences à l’eSIM

Pour les opérateurs, l’eSIM ouvre des possibilités commerciales inédites. Orange a par exemple lancé en septembre une offre test gratuite de 20 Go en eSIM pour 50 000 clients, espérant attirer de nouveaux abonnés. Mais cette même technologie abaisse les barrières à l’entrée pour de nouveaux acteurs. Dans le domaine du roaming, de nombreuses start-up exploitent déjà cette brèche. La plus connue, Airalo, propose depuis 2019 des forfaits eSIM locaux ou internationaux dans plus de 200 pays, avec 20 millions d’utilisateurs revendiqués. Holafly, son concurrent espagnol, affirme avoir franchi la barre des 10 millions de ventes. Même des acteurs inattendus, comme Revolut ou NordVPN, se lancent sur ce marché en forte croissance, estimé à 4,4 milliards de dollars d’ici 2030.

Ces services séduisent particulièrement les voyageurs : au lieu de payer des frais d’itinérance souvent exorbitants, il suffit de souscrire un forfait eSIM temporaire à bas prix, activable en quelques clics.

Si le roaming est aujourd’hui le terrain de jeu favori des nouveaux entrants, les opérateurs craignent un scénario bien plus redouté : que les géants du numérique s’imposent comme intermédiaires directs entre les utilisateurs et les réseaux mobiles. « Apple ou Google pourraient un jour proposer à leurs clients de choisir directement leur forfait depuis leur smartphone », redoute un cadre français du secteur. Dans ce cas, les opérateurs risqueraient de se transformer en simples fournisseurs d’infrastructure, relégués à l’arrière-plan. Une perspective qui rappelle la vague des messageries instantanées, comme WhatsApp, qui avaient fait disparaître une grande partie des revenus liés aux SMS au début des années 2010.

Pour l’instant, les opérateurs tentent de limiter la casse en nouant des partenariats avec les constructeurs et en lançant leurs propres offres eSIM internationales, comme Bouygues Telecom avec InternationalSIM. Mais beaucoup craignent que la bascule ne soit inévitable : si les géants du Web décident d’acheter en gros des capacités réseaux pour revendre eux-mêmes leurs forfaits, l’équilibre du marché pourrait être totalement renversé.

Source : Le Monde

Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox