Face au racisme, des techniciens de Free, SFR, Orange et Bouygues s’organisent

Face au racisme, des techniciens de Free, SFR, Orange et Bouygues s’organisent

Les insultes racistes peuvent pleuvoir lorsqu’on intervient pour rétablir une connexion, et plus d’une centaine de techniciens de SFR, Orange, Free et Bouygues ont dû s’organiser pour se tenir au courant des clients avec qui ils pourraient avoir un problème.

Dans un esprit d’entraide, malgré la concurrence de leurs employeurs, des techniciens et sous-traitants des opérateurs en Île-de-France se sont organisés un véritable petit réseau d’information sur WhatsApp. Dans ce groupe, ce sont majoritairement des personnes racisées, aux origines africaines, qui subissent ” les mêmes galères dues au même travail.

Vous les techniciens étrangers, vous êtes fainéants, j’en ai marre de vous, allez vous faire foutre“, c’est ainsi qu’un des techniciens ayant témoigné auprès de Streetpress a été reçu par un client privé de connexion et pressé d’ouvrir son commerce. Une situation blessante, mais aussi handicapante d’un point de vue financier : le client a refusé qu’il intervienne et un salaire de sous-traitant est directement lié au nombre d’interventions réalisées. Il n’est même pas obligatoire de se rendre sur place pour subir ces agressions racistes. Marzouk (nom modifié par Streetpress), qui est chef d’équipe sous-traitant pour Orange, a déjà eu droit à une cliente lui criant « tu ne parles même pas correctement français, sale blédard », et ce n’était pas la première fois qu’on lui reprochait son accent bien qu’il soit totalement francophone. La cliente en question avait d’ailleurs, malgré le fait que la ligne soit rétablie, noté sa prestation 0/10, y ajoutant “merci d’envoyer des techniciens qui parlent bien français”.

Cela vient au point que certains techniciens refusent de finir l’intervention, comme Farid qui est spécialisé dans la fibre chez Free et qui a finalement abandonné la réparation suite à la remarque de la cliente à son mari “et voilà, encore un arabe”. Un client de SFR cette fois a refusé de serrer la main de Sofiane, affirmant “je ne vous serre pas la main. Vous volez le pain des Français“. Il a prévenu son employeur, mais “quelques jours plus tard, l’intervention est retombée sur le planning de mon collègue malgache” qui a été reçu à grand coup de “dégagez, je veux qu’un Français vienne rétablir ma ligne“. A cela s’ajoutent des remarques, comportements plus discrets, qui font peser sur ces techniciens “une charge mentale constante. Ce n’est pas un travail que je serais prêt à subir toute ma vie”. Marzouk, lui affirme avoir constamment peur de perdre son travail suite à une plainte d’un de ces clients raciste, une charge qui ne serait pas si rare, au point que “beaucoup de techniciens de ma génération se sont réorientés“.

Puisqu’il est très difficile de faire entendre cette problématique aux employeurs, chaque affaire relevant souvent du “parole contre parole”, plus d’une centaine de techniciens d’Île-de-France se sont ainsi organisés. Dans un groupe WhatsApp, ils échangent ainsi leurs témoignages et expériences, déconseillant l’intervention chez une personne ayant déjà tenu ce type de propos ou ayant des comportements déplacés. “On signale les clients entre nous. On essaie de se rendre justice comme on peut” explique l’un des techniciens. Une solution temporaire, alors que des idées comme “une cellule qui gère ces cas ; une application pour signaler ; expliquer les démarches à suivre si le technicien a besoin d’un suivi psychologique ou veut porter plainte” sont énoncées par certains sous-traitants.

 

Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox