Financement des réseaux : Orange, SFR et Bouygues Telecom mettent fin à certaines idées reçues

Financement des réseaux : Orange, SFR et Bouygues Telecom mettent fin à certaines idées reçues

La Fédération Française des télécoms (FFT) apporte sa pierre à l’édifice pour faire payer les géants du numérique pour le développement des réseaux.

Le sujet a fait l’objet de l’ouverture du plus grand salon télécom du monde et continue de fait parler de lui : le fair share. Cette ambition de nombreux opérateurs européens de faire contribuer Google, Netflix et consorts à l’entretien et au déploiement des réseaux fixes et mobiles est au coeur d’un débat dans le secteur depuis plusieurs années et alors qu’une consultation publique vient d’être ouverte à l’échelle européenne, la FFT publie une série d’infographies pédagogiques.

De quoi combattre certaines idées reçues et mettre les choses en perspective. La fédération qui regroupe Orange, Bouygues et SFR mais pas Free revient ainsi sur la part du trafic utilisée par chaque plateforme, avec 52.18% du trafic mondial généré par Google, Netflix, Facebook, Microsoft, Apple, Amazon et Disney+. Une tendance “similaire en France“, avec également une concentration des trafics exacerbée lors de l’heure la plus chargée de la journée, en soirée, où ces acteurs peuvent représenter jusqu’à 80 % de l’utilisation de la bande passante des réseaux de télécommunications. “Ce sont ces heures les plus chargées qui dimensionnent aujourd’hui les réseaux et dictent nos investissements” explique la FFT.

Un autre sujet régulièrement évoqué dans le cadre du débat et la hausse constante des usages du numérique et une augmentation du trafic. Ce dernier est en croissance perpétuelle. En France, on observe une augmentation du volume total entrant de près de 100 % en deux ans entre 2018 et 2020. Sur les réseaux mobiles, la croissance des usages perdure et s’accélère d’après le nouvel observatoire de l’ARCEP qui recense un taux de croissance des usages au T3 2022 renouant avec ses niveaux de 2020, proche des 30%. Cette tendance n’est pas prête à s’infléchir. La dernière version de l’étude Ericsson Mobility Report prévoit une multiplication par près de 5 du trafic mobile en 7 ans, afin d’atteindre 52 Giga-octets par smartphone et par mois en 2027 en Europe de l’Ouest. Cette croissance est portée par les flux vidéo et musicaux en streaming (dont jeux vidéos) dont le trafic mondial représente 83 % en moyenne par mois.

Pour répondre à cette augmentation croissante, les opérateurs ont ainsi investi massivement dans les réseaux avec des montants toujours plus haut au fil des ans, jusqu’à franchir les 14.9 milliards d’euros en 2021, contre 7.3 milliards auparavant. Cela représente 78% des investissements, alors que les opérateurs ne perçoivent que 42% des revenus, contre 30% pour les plateformes internet qui elle investissent à hauteur de 4% au total.

Les plateformes “ne paient donc pas ou peu pour les prestations rendues par les opérateurs et s’enrichissent grâce à la publicité qu’ils génèrent. Ainsi, l’ensemble des coûts sont aujourd’hui répercutés sur le reste de l’écosystème numérique, en particulier les utilisateurs, qui ne perçoivent pas la valeur ajoutée apportée par ces coûts en profitant chacun d’un service ininterrompu. Ces entreprises profitent donc directement de la performance technique et économique des réseaux télécoms sans contrepartie. Il ne serait que juste de les faire contribuer aux coûts qu’ils génèrent sur nos réseaux” explique la FFT.

Apaiser les craintes

D’autant plus que le rapport de force est loin d’être équilibré. En comparant la capitalisation boursière des grandes plateformes du web et des principaux opérateurs européens, la différence est très notable : 0.24 trillions d’euros pour les telcos, 7.11 trillions pour Netflix, Google et consorts.

Les opérateurs demandent donc l’instauration d’un cadre législatif rééquilibrant la situation entre ces deux parties, et prévoyant le versement d’une contribution juste et équitable des plus grands émetteurs de trafic (large traffic generators) auprès des fournisseurs d’accès à internet, aujourd’hui inexistante ou marginale du fait de l’asymétrie de pouvoir de marché entre ces deux catégories d’acteurs qui tend à s’intensifier. Trois bénéfices pourraient en être tirés : solidarité entre les éditeurs et les opérateurs, une meilleure allocation des coûts au près de ceux qui profitent le plus des investissements et créer une incitation à la maîtrise de la bande passante pour plus de sobriété numérique.

La FFT revient ensuite sur la crainte soulevée par certains opposants concernant la neutralité du net qui affirme que les utilisateurs (fournisseurs de contenus, mais également consommateurs) « ont le droit d’accéder aux informations et aux contenus et de les diffuser, d’utiliser et de fournir des applications et des services et d’utiliser les équipements terminaux de leur choix, quel que soit le lieu où se trouve l’utilisateur final ou le fournisseur, et quels que soient le lieu, l’origine ou la destination de l’information, du contenu, de l’application ou du service, par l’intermédiaire de leur service d’accès à l’internet ».

Il s’agit d’un principe fondamental, qui est, et doit rester un acquis. La neutralité du net s’applique aux fournisseurs d’accès à internet pour ses utilisateurs. Ainsi il ne concerne pas les contrats d’achats de capacité dès lors que le contenu est disponible à l’accès pour les consommateurs et n’est pas traité de manière discriminatoire par l’opérateur de réseau. Par ailleurs, aujourd’hui, il ne marche que dans un sens. Les très grands fournisseurs de contenus n’hésitent pas à en abuser dans leurs relations avec les fournisseurs d’accès à internet, en menaçant de dégrader la qualité de leurs services. A l’étranger, Netflix a d’ailleurs consciemment détourné ses flux à la suite d’une volonté de l’opérateur sud-coréen SKBroadband de négocier des frais d’accès après une explosion du trafic envoyé.

Fédération Française des télécoms

La mise en place de telles mesures doit également bénéficier à l’économie numérique. “Une contribution des principaux consommateurs de bande passante, en allégeant les contraintes financières des opérateurs, permettait à ces derniers d’allouer leurs moyens au bénéfice d’investissements en France, et ainsi permettre le développement de l’économie numérique. Cette allocation de fonds sera dictée par la levée des contraintes financières aujourd’hui observée, ainsi que la forte concurrence en infrastructure qui se joue sur le territoire national et mène les opérateurs à réinvestir chaque année 36 centimes par euros de chiffre d’affaires dans l’économie numérique” affirme la FFT. Elle ajoute par ailleurs qu’une place forte du régulateur incite les opérateurs à proposer un accès à internet toujours plus qualitatif. “Il est ainsi estimé qu’une participation à hauteur de 20 milliards d’euros par an, à mettre en perspective par rapport à la croissance des entreprises visées, conduirait à la création de 840 000 emplois par an en Europe, et à une augmentation du PIB européen de 72 milliards d’ici à l’année 2025.

Quid de l’environnement ? Les opérateurs affirment que les plateformes contribuent aux émissions carbones du secteur des télécoms, notamment les infrastructures réseaux et les centre de données qui constituent 21% des émissions du secteur. Pour contextualiser cela, le numérique réprésente actuellement 3 à 4% des émissions de gaz à effets de serre dans le monde “dont une part minime est imputable aux réseaux des opérateurs télécoms“.

La FFT affirme qu’il n’existe “aucune incitation à faire preuve de sobriété dans les flux de données. Au contraire, pour mobiliser encore davantage l’attention, l’ultra haute définition, le 60 images par seconde, le HDR, ou l’envoi de multiples flux en trop haute qualité par rapport aux caractéristiques du terminal sont des pratiques de plus en plus courantes et extrêmement gourmandes en bande passante. L’introduction d’un coût marginal à l’usage des réseaux créera ainsi une incitation forte à rationaliser l’usage des réseaux de communication électronique dans la fourniture de contenu, via par exemple la généralisation du mode économie de données par défaut sur les terminaux mobiles, ou bien l’incitation des utilisateurs à utiliser le réseau wifi dès que cela est possible.”

Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox